Le Rwanda torpille la nomination du représentant de l’Union européenne pour la région des Grands Lacs
Le régime de Paul Kagame s’oppose à la nomination d’un diplomate belge, en raison des critiques du royaume contre l’ingérence rwandaise en République démocratique du Congo (RDC). À Bruxelles, cette affaire crée un grand embarras. Josep Borrell, chef de la diplomatie européenne, devait nommer mi-juin le premier représentant spécial pour la région des Grands Lacs, regroupant le Rwanda, le Burundi et la RDC.
Cependant, la procédure de recrutement a été prolongée jusqu’au 5 juillet. Un e-mail informant les États membres de cette décision a été envoyé le 14 juin, et le sujet doit être abordé lors du conseil des ministres des Affaires étrangères européens le 23 juin à Luxembourg.
Deux candidats auditionnés
Au printemps, deux candidats avaient été auditionnés. Pekka Haavisto, ancien ministre finlandais des Affaires étrangères, s’est désisté, principalement parce qu’il ne parle pas français. Le second prétendant, le Belge Bernard Quintin, ancien directeur Afrique du service diplomatique européen, semblait faire l’unanimité parmi les États membres. Cependant, il ne sera pas non plus le prochain envoyé spécial dans la région.
Paul Kagame, le président rwandais, avait déjà exprimé son opposition à cette nomination lors d’un entretien téléphonique avec Emmanuel Macron fin avril. À la suite de cet échange, plusieurs pays, dont la France, la Suède et le Danemark, ont souligné qu’avant toute nomination, il était essentiel de s’assurer de l’acceptation du candidat par les pays de la région.
Une source diplomatique résume que l’efficacité d’un tel représentant repose surtout sur le fait qu’il peut parler à tout le monde. Il doit aussi être reçu par l’ensemble des acteurs dans chaque région. Bien que les ambassadeurs doivent soumettre leurs lettres de créance à leur État hôte, la procédure pour un envoyé spécial européen, représentant les 27 États membres, est plus floue. En théorie, un pays tiers n’est pas représenté au chapitre.
Un message désastreux
La Belgique, historiquement proche de la RDC où le Rwanda est militairement engagé aux côtés des rebelles du M23, paie ses mauvaises relations avec Kigali. En 2023, le royaume avait notamment refusé l’agrément de Vincent Karega, choisi par Kigali pour être ambassadeur à Bruxelles. Selon certains au service d’action extérieure européen, un diplomate belge n’aurait pas dû être présélectionné pour une telle fonction, et plusieurs États membres réclament un profil plus neutre.
Cette situation laisse l’Europe avec un sentiment d’humiliation, se faisant dicter la marche à suivre par le Rwanda. Comment Paul Kagame a-t-il appris si tôt le choix de Bernard Quintin, alors que ce choix était connu de très peu de personnes ? Qu’un pays tiers fasse pression pour éviter cette nomination est son droit, mais il n’aurait jamais dû être informé si tôt.